Die Nachwelt

Ça fait presque trois semaines qu’elle est morte. La plupart des démarches administratives sont faites. On a fait l’exmatriculation, les prochains rendez-vous sont annulés. Le deuil est passé et les douzaines de cartes de condoléance sont répondus. Nos vacances sont annulées et je me réserverai quelque chose d’autre dans le nord. Mais le propriétaire nous presse. Il faut vider l’appartement et j‘y ai rechigné jusqu’à maintenant. L’endroit où elle a passé ses derniers moments. J’ouvre la porte et touche la poignée, qui porte encore les traces de sa main. Quand mon père est mort, on a laissé tout dans la maison et ma mère ne trouvait pas encore le temps pour ranger, mais qu’importe car la maison est grande. Plusieurs déménageurs ont été embauchés, qui videront sa chambre. Éliminant chaque trace de son existence. Pénétrant dans sa zone intime, où elle lisait, écrivait, étudiait, où nous faisions l’amour. Avant de laisser derrière moi cet endroit, j‘y reviens, seul. J’ouvre la porte, je vois son lit froid sur lequel dansent quelques rayons de soleil. Notre plaid, nos souvenirs, des photos de nous collées sur les murs. On est si heureux, on l’était. Je m’assois à son bureau, je prends quelques cahiers. Agenda et poèmes, illisibles et impossibles à déchiffrer. Elle a voulu les publier, mais on n’a pas les moyens. Je range les cahiers dans mon sac, gardant ses pensées passées avec moi. Je regarde la bibliothèque. L’allemand, l’anglais, le français. Mes langues, ses langues. Des livres, que je connais, des livres, qui ne m’intéressent point. J’en prends un au hasard. Elle écrivait là-dedans, d’autres écrivaient là-dedans. Son écriture et celle des autres se mélangent pour ne devenir qu‘une. C’est un livre sale, maculé. Je pense à la boîte à livres. Peut-être que j’en garderait quelques-uns. Mais je ne peux pas garder toute la masse. Même si je garde ce qui lui a été cher, après ma mort, d’autres les jetteraient à la poubelle. Pourquoi alors garder ce qui n’a pas de valeur ? Le sentimental, les billets d’entrée, les tickets de caisse, les dessins. Sans savoir quelle valeur avaient tous ces choses pour l’autre, chacun doit trier, jeter. Alors je trie la masse : « boîte à livres », « à vendre » et « à garder ». Et bientôt ses livres seront tenus par d‘autres mains, décoreront d‘autres bibliothèques. D’autres liront son écriture fanée, d’une vie passée et le cycle commencera de nouveau. Rien ne nous est propre, tout est prêté à vie.

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