La première photo de nous

Dans ma bibliothèque, à côté de mes livres sur la théorie littéraire, il y a un album photo. Le seul qui contient des photos de mon enfance que je possède. Tout le reste n’existe plus, a probablement été détruit par mon père quand j’ai quitté sa maison.
On ouvre la couverture. Parmi les dessins de nounours et de berceaux, il y a mon nom et j’y reconnais l’écriture arrondie et légère de ma mère. Sur une des pages suivantes, il y a la toute première photo de moi. Évidement que c’est impossible de m’y reconnaitre. Je n’y suis qu’un petit ver rose, enveloppé dans un tissue, posé sur la poitrine de ma mère, qui lui, a un sourire sur ses lèvres, quoique son visage soit marqué par la fatigue. À côté d’elle, assis sur une chaise, se trouve mon père, beaucoup plus maigre que dans mes souvenirs. Il n’y était pas encore obèse, pas encore malade. On dirait que je dors, fatiguée de mon premier jour sur terre, fatiguée de la naissance à laquelle mon père avait assisté. Il me racontait plus tard qu’il était fier d’avoir fait naître sa première fille. Ma mère y a des cheveux longs, quoiqu’elle les ait portés toujours courts. Elle aussi, y est beaucoup plus maigre, on le perçoit même à travers la couette, qui couvre tout son corps. Bref, je ne reconnais pas mes parents sur la photo, comme moi je les ai connus. Mon père porte des jeans bleus, comme on en trouve aujourd’hui dans les magasins vintages et une chemise à rayons verticaux. Je ne sais pas qui a pris cette photo. Les couleurs sont jaunâtres, affaiblies, il est évident que cette photo a été prise autour des années deux mille. La technologie vieillie de l’hôpital en arrière-plan, à côté du lit de ma mère en témoigne. Les premières photos de ma sœur cadette avaient déjà une tout autre résolution.
Une année pile après leur mariage, leur première fille nait et avec cette photo ils ont pris leur première photo de famille. Ils semblent d’être si contents, si insouciants. Ils ne savent pas, contrairement à moi, ce qui devait suivre, comment leur histoire qui pour mes parents sur la photo venait de commencer, prenait fin, comment leur famille naissait, comment elle se brisait. Ce qu’ils voient à l’instant de la photo c’est le commencement d’un nouveau chapitre dans leur vie, ce que moi j’y vois, c’est le commencement des quelques bonnes années qui précédaient le déclin de notre famille. Souvent je pleure quand je regarde la photo, souvent je cris d’une douleur intérieure quand je vois leur sourire, quand je vois ce couple, qui pour une fois peut-être, s’avait aimé. Mon père, devenu un père irresponsable, négligeant après que ma mère l’a quitté, ma mère qui devait plus tard frapper ses enfants régulièrement et dont les cendres reposent maintenant sur un cimetière, dans une ville dans laquelle je ne vais plus retourner.
Toutes ces pensées tombent sur ma tête quand je vois leur gaité sur cette photo que je garde enfermée entre les feuilles de mon unique album photo d’enfance, qui reste oublié dans ma bibliothèque, à côté de mes livres d’université.

Teil des atelier d’écritures zum Thema Fotografie.

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